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Photo du rédacteurAlain THIREL-DAILLY

1-Jour-1-Ancêtre : « Fait-divers » à Aunay-sous-Crécy en août 1912...

La communication publiée par La Dépêche d’Eure-et-Loir du 11 août 1912 commence ainsi : « On parle beaucoup en ce moment, dans cette commune, d’un fait que la réprobation ne saurait trop flétrir ». De quoi, à n’en pas douter, susciter l’attention du lecteur, d’autant plus que le titre est on ne peut plus explicite : « Violation de Sépulture à Aunay-sous-Crécy ».

La Dépêche d'Eure-et-Loir - 11 août 1812

L’affaire est sérieuse, l’article 360 du Code pénal de 1810, modifié vers 1850, stipule en effet que : « sera puni d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et de cinquante francs à trois milles francs d’amende, quiconque se sera rendu coupable de violation de tombeaux ou de sépultures. La peine sera celle de la réclusion, si la violation de tombeaux ou de sépultures a été accompagnée de la mutilation d’un ou plusieurs cadavres. Le tout sans préjudice des peines contre les crimes ou délits qui seraient joints à ceux-ci ».

Cet article et ces lois sur le devoir moral de protection des morts trouvaient surtout, à l’origine, leurs fondements dans des raisons sanitaires. Le décret du 23 prairial an XII a encadré la gestion et l’implantation des cimetières et a complété les raisons sanitaires par des motivations morales : « Les autorités locales sont spécialement chargées […] d’empêcher qu’il ne se commette dans les lieux de sépulture aucun désordre, ou qu’on s’y permette aucun acte contraire au respect dû à la mémoire des morts ».

Depuis 1804, un décret impose des tombes individuelles, permet d’y placer des signes distinctifs et les sépultures deviennent, au milieu du 19e, un lieu de mémoire familiale. C’est dans ce contexte que le Conseil municipal d’Aunay-sous-Crécy, en sa séance du 21 août 1883, sous le mandat d’Eugène Nicourt, oncle de mon bisaïeul Edgar Jumelle, s’est mis en conformité avec la loi en décidant la création d’un nouveau cimetière. Les travaux en ont été réalisés par Marcel Desdoigts, entrepreneur et réceptionnés le 22 novembre 1884.

Pour autant, rien n’empêchait, sous certaines conditions, à ce que des sépultures soient érigées en dehors des cimetières sur des propriétés privées. Et c’est là que nous rejoignons le « fait-divers » dont traite cet article.

Le mystérieux correspondant fait état d’un « caveau familial recouvert d’une dalle en pierre […] sépulture d’un vieillard ancien possesseur de la propriété voisine » à proximité du cimetière. Ladite sépulture, sise sur un terrain de quelques mètres carrés enclos de murs a été « violée à une date qui parait assez récente et dans des circonstances et par des moyens aussi ignorés que le mobile ». Si celui qui a fait cette découverte est bien affirmatif, force est de constater que les éléments de preuve qu’il avance sont pour le moins légers.

En conclusion de sa « communication », il se préoccupe des « sérieux ennuis » que cette situation doit causer à M. Le Maire d’Aunay dans une localité « où tout le monde se connaît ».

Le droit de réponse du maire.

Le droit de réponse du maire en question, mon bisaïeul Edgar Jumelle, ne tarde pas et permet de clarifier la situation. On y apprend en effet que le vieillard dont il est question est décédé « il y a quatre-vingt-cinq ans et qui n’était, ma foi, pas bien vieux puisqu’il n’avait pas encore atteint la cinquantaine, a été inhumé, après exhumation du vieux cimetière d’Aunay, dans le cimetière de Passy (Seine) ».

La Dépêche d'Eure-et-Loir 16 août 1912

Voilà qui est manifestement bien différent de la version du mystérieux correspondant. « Le tombeau […] construit depuis cette époque par la veuve, sur sa propriété, n’a jamais été qu’un monument commémoratif, un cénotaphe ». 

C'est le petit-fils du défunt, actuel propriétaire du terrain, qui a pris l'initiative de déplacer la dalle recouvrant un caveau... vide. Dès lors, comme l’indique l’édile, il n’entre pas dans ses attributions de mettre un empêchement au déplacement d’une dalle recouvrant un caveau vide dans une propriété privée, et encore moins de sévir pour un tel fait.

Edgar Jumelle termine en remerciant et en tranquillisant, non sans humour, l’aimable correspondant : « Mes rêves ne sont pas hantés par des visions macabres et j’ai pu dormir, toutes les nuits, du sommeil du juste depuis cet événement mémorable ».

Nous ne pouvions, quant à nous, en rester là ! Si nous n’avons pu découvrir l’identité du mystérieux correspondant, nous avons pu trouver qui était l’honorable défunt objet de tant d’attention. Le mercredi 22 août 1827 décédait en sa demeure le sieur Paul François DESHOMMETS, filateur et propriétaire originaire de Rouen, époux de « demoiselle » Françoise Arel, fabricante, originaire de Saint-Quentin dans l’Aisne. Le couple, descendant d’une grande famille de filateurs de la région rouennaise, n’était autre que les propriétaires, notamment, de la filature d’Aunay. Quelques mois plus tard, la veuve mettra le moulin d’Aunay dont elle est propriétaire en location et quinze ans après, en 1842, elle mettra le château et le moulin en vente.

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1-Jour-1-Ancêtre

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