Ce « 1-Jour-1-Ancêtre » nous transporte au mariage de François FESSARD (1810-1888) et de Prudence LEFEVRE (1818-1892) à Châtaincourt, en Eure-et-Loir, le 23 novembre 1842. Un bon en arrière de 182 ans pour retrouver ces ancêtres à la 5e génération.
La famille du futur est originaire depuis au moins cinq générations de cette commune, et plus précisément du hameau de Boutaincourt.
Mais parlons, d’abord, du village de Châtaincourt où, pour la petite histoire, j’ai résidé une année scolaire dans une petite maison « dans son jus », quand j’étais surveillant de collège. Je ne me doutais pas, à l’époque, que des ancêtres avaient vécu dans cette commune. Passons.
Au recensement de 1841, la commune est divisée en 10 sections d’importances variables. Neuville, au sud, regroupe près de 50 % des 396 habitants, le reste se répartissant entre les neuf autres secteurs, au premier rang desquels Boutaincourt et ses 56 habitants, avec 14 % de la population. Sur un territoire de près de 15 km2, nous nous trouvons bien en présence d’un habitat très dispersé avec 27 habitants au km2 en moyenne seulement.
L’activité principale de la commune, ça n’est pas un scoop dans une France rurale, me direz-vous, est liée à la terre. Mais, au-delà de l’agriculture et de l’élevage pour lesquels on recense de nombreux agriculteurs et journaliers ouvriers agricoles, chartiers, laboureurs et autres bergers, une petite « niche » existe sur ces terres, la vigne ! Hé oui, vous le savez tous bien entendu, ce hameau est universellement connu pour cela depuis l’an 1250, quand la culture de la vigne a commencé à s’y développer.
C’est ainsi que les ancêtres en ligne directe de François sont vignerons de père en fils depuis 4 générations dans cette commune. Relativisons toutefois, à l’analyse des recensements de 1836, 1841 et 1846, les seuls vignerons du village, regroupés à Boutaincourt, sont en fait les Fessard. Un seul autre emploi induit est, fort logiquement, celui du tonnelier. C’est dire, quand même, si la niche n’est pas bien grande. La famille de mes ancêtres, d’ailleurs, complète son activité en étant également agriculteurs et éleveurs de volailles. Un d’entre eux est en effet dénombré dans la commune comme « poulailleur » !
Aujourd’hui, à notre connaissance, il ne reste plus de vignes à Boutaincourt, si ce n’est de manière anecdotique et privée, mais la commune a gardé la trace de son passé vigneron en dénommant une voie « Chemin des vignes ». À n’en pas douter, c’est à proximité que vivaient et exerçaient les Fessard.
Peut-être avec le dérèglement climatique, et je ne m’en réjouis pas, bien au contraire, les terres normandes (re)deviendront un jour des terres de vignes… Fermons la parenthèse.
La future épouse, Prudence Lefevre, réside à l’époque de son mariage au hameau des vergers à Muzy, dans l’Eure. La commune, limitrophe de Dreux, en Eure-et-Loir, est plus orientée vers cette cité que vers la préfecture euroise. C’est d’ailleurs dans la cité Durocasse et dans ses environs que ses ancêtres Lefevre, Fez, Perthuis et Pignault, notamment, vivaient et exercaient leur activité… de vignerons ! Dreux, aussi bizarre que cela puisse paraître, était également terre de vignes. Peut-être les familles des deux futurs époux, membres de la même corporation, se connaissaient.
Venons-en, enfin, au mariage, objet initial, mais aussi prétexte, de cet article.
Le mois de novembre est, de manière générale, propice aux mariages, en cette période de repos de la terre. Les travaux agricoles et, ici en l’occurrence, de la vigne, sont, si ce n’est terminés, du moins au ralenti. Même si nous ne sommes plus sous l’ancien régime, à côté du mariage civil, le mariage religieux est encore la norme. Il faut se dépêcher pour se marier avec le temps de l’avent où les noces sont interdites. Cette année 1842, le 1er dimanche de l’Avent est le 27 novembre et le mariage a été programmé le mercredi 23 novembre ; les usages sont ainsi respectés.
Contrairement à la coutume, c’est dans le village du garçon que sont célébrées les épousailles. Si un froid piquant et pluvieux a marqué tout le début de l’automne, la météo depuis le 11 novembre est devenue plus agréable et le restera jusqu’à Noël. La famille de la future, ses parents, son frère, ses cinq oncles et tantes sont partis de bonne heure de Muzy. Bien couverts, en voiture à cheval, ils rejoignent l’église où les attend la famille Fessard. Ces derniers n’ont eu que deux kilomètres à peine pour se rendre au centre du village.
C’est dans l’église Saint-Martin qu’est donnée la bénédiction nuptiale avant le passage devant le maire, à 19 heures pétantes, à la mairie du bourg.
Les cérémonies terminées, les nouveaux mariés, leurs témoins, les familles et les amis se retrouvent à la Ferme Fessard. En prévision des noces, qui se tiennent en morte-saison, durant laquelle les denrées alimentaires sont moins nombreuses et variées, les deux familles ont mis de côté depuis quelques mois. Pour ce jour de fête, ils ont puisé dans les réserves et ont ainsi pu mettre les petits plats dans les grands pour joyeusement et dignement festoyer. Les deux familles, vigneronnes, ont certainement sorti les meilleures bouteilles de leurs réserves et le vin a coulé !
Après les noces, la vie reprend vite son cours.
Les parents du marié, chez qui celui-ci vivait jusqu’aux noces, font une place pour que le couple puisse s’installer avec eux et trouver leur place dans la maison familiale à Boutaincourt.
Jusqu’au mariage, François exerçait chez ses parents comme agriculteur et donnait la main aux moments forts de la vigne. Il doit maintenant assumer le revenu de son foyer, avec une nouvelle bouche à nourrir et, sûrement, l’arrivée d’une troisième génération au foyer. Il décide d’abandonner, même s’il continuera de soutenir son père, son emploi d’agriculteur pour devenir maçon. Cela lui assurera, pense-t-il, un meilleur revenu et lui donnera une certaine indépendance.
Un premier enfant, Charles Aimé, naît un an plus tard de cette union. François bosse dur comme maçon et, le reste du temps, donne la main à son père, âgé de 82 ans, qui abandonne depuis un moment les travaux de la ferme et de la vigne. Prudence s’occupe du nouveau-né, entretien la maison pour toute la famille et soutient sa belle-mère qui va vers ses 72 ans. Dans ce contexte, le couple n’envisage certainement pas de nouvelles naissances. En tout cas il n’en viendra pas tout de suite.
Cinq ans plus tard, en 1848, Claude Fessard, 87 ans et son épouse Marie, 77 ans, décèdent dans la maison familiale à quelques mois d’intervalle. François, en vivant et travaillant auprès de son père, a vu que l’activité de vigneron ne suffisait plus à nourrir son homme et que les travaux de la terre ne laissaient pas de répit. Il n’a pas de frère pour reprendre, alors il décide de se séparer de l’exploitation et de faire le partage avec sa seule sœur, mère célibataire de trois enfants. Les parents Fessard, comme nous le confirment les recensements suivants, auront été les derniers vignerons à exploiter à Châtaincourt. Les successeurs à la ferme ont certainement jugé plus rentable de convertir les terres de vigne en terres agricoles.
Le couple s’installe dans une autre maison du hameau et François complète sa palette, exerçant maintenant comme maçon et couvreur. Deux nouvelles naissances, Prudence « Séraphine » en 1850, suivie de Prudence « Élisa » en 1854, viennent remplir la petite maison. La famille reste encore à Boutaincourt mais envisage d’en partir. Le décès de la grand-mère Lefevre, à Muzy trois ans plus tard, va certainement précipiter les choses. Cette dernière laisse seul son époux, âgé de 76 ans. Marie et François, après s’être occupés des parents Fessard, décident de quitter Châtaincourt et de venir s’installer au hameau du Verger auprès du grand-père Lefevre.
François abandonne son métier de maçon et s’investit dans l’exploitation agricole dont son beau-père est propriétaire. Il le seconde et, rapidement, prend sa place pour conduire les travaux. Charles Lefevre vivra ainsi encore dix ans auprès de ses enfants, voyant ses petites-filles arriver à l’âge adulte. Il décède à l’âge de 87 ans. François et son beau-frère Louis continueront, après le partage, de gérer l’exploitation en commun. C’est à peu près à la même époque que le couple a la douleur de perdre leur fils aîné, âgé de 23 ans.
L’année suivante, ils marient Séraphine et quatre ans après, c’est au tour d’Élisa de prendre époux. Les familles vivent toutes à proximité, entre Muzy et Les Bas-Buissons, et ils auront le bonheur de connaitre et de voir grandir les quatre petits-enfants que leur a donné Élisa.
François décède, en 1888, à 78 ans et Marie l’accompagnera, quatre ans plus tard, âgée de 73 ans.
1-Jour-1-Ancêtre
Ce défi entre généalogistes consiste à raconter l'histoire d'un ancêtre à partir d'une date précise. C'est une façon de mettre en lumière les "obscurs", ceux dont on parle peu. Une date, un ancêtre qui a connu un événement ce jour-là et une publication exactement à la date choisie ou presque...
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