Armand Klein travaille, en cette année 1876, depuis quatre ou cinq ans dans l’atelier de brochage de Jules Monniot. Il s’y lie d’amitié avec Eugène Monniot, 36 ans, frère du patron, brocheur comme lui. Les deux hommes, gambergent et ambitionnent de s’installer à leur compte. Ils en parlent avec leur épouse, elles-mêmes brocheuses qui ne sont pas insensibles au projet… Les épisodes précédents peuvent être relus en cliquant sur ce lien.
Armand, élevé dans un foyer modeste par des parents nourriciers, veut les meilleures conditions de vie possible pour son épouse Élisa et son fils Louis. Les parents souhaitent que leur fils puisse bénéficier, comme sa mère, d’une solide éducation, même si cela a un coût certain. En se mettant à leur compte, ils espèrent à terme élever leur niveau de vie, mais ils savent aussi qu’ils prennent des risques en investissant dans cette aventure leurs économies. Après avoir mesuré le pour et le contre, ils tombent finalement d’accord pour qu’Armand s’engage avec Eugène. Ce dernier, ayant lui-même recueilli l’avis favorable de son épouse, les deux hommes peuvent maintenant se lancer dans leur projet, avec le soutien de leur patron. Les deux hommes cherchent ensemble un lieu, du matériel voire une affaire qu’ils pourraient racheter. Leurs efforts ne sont pas vains puisqu’en cette fin 1876, ils aboutissent enfin ! Le même jour, ils signent deux actes qui vont sceller leur destin commun.
Eugène Monniot & Armand Klein, associés.
Le 19 septembre, auprès de Me Aubron, notaire à Paris Avenue Victoria, ils fondent une Société en nom collectif, ayant pour objet l’exploitation d’un fonds de brochure situé à Paris, rue du Jardinet N°13. Celle-ci est fondée pour quinze années entières à compter du 1er octobre 1876. Le siège social est fixé rue des Poitevins N°12, dans des locaux qu’ils vont louer. Le fond social est fixé à 10.000 frs, à parité complète. Ce choix calculé de parité entre les associés les forcera, en toutes circonstances, à rechercher les meilleurs compromis. Leurs intérêts sont désormais liés.
Vous pouvez consulter l'intégralité de l'acte dans la rubrique "Archives" de notre site ou bien en cliquant sur ce lien.
Monniot & Klein, brocheurs rue des Poitevins
Le même jour, dans la même étude, les couples Gendron - Hurt et Houzeau - Hurt vendent, pour la somme de 3.000 frs, à MM Eugène Monniot et Armand Klein, acquéreurs solidaires, un fonds de commerce de brochure exploité à Paris, rue du Jardinet N°13, consistant en la clientèle (15 clients réguliers), l’outillage, le matériel et les ustensiles servant à l’exploitation du fonds, dûment et précisément décrits.
Le « panier » de 14 clients attitrés est composé de libraires, imprimeurs ou éditeurs de la place parisienne parmi lesquels Martinet, imprimeur de la Chambre des députés, Maulde, Renou et Cock, imprimeurs de la Cie des Commissaires priseurs, Furne et Jouvet, gros éditeur scolaire, Jouby et Roger ou bien encore, et pas le moindre, Dalloz pour son « Moniteur Universel ».
L'inventaire du matériel, en annexe de l'acte, détaille l'ensemble du matériel, presses à percussion, billots, coupe-papiers et autres cisailles, sans oublier une voiture à bras. Vous pouvez consulter l'intégralité de l'acte dans la rubrique "Archives" de notre site ou bien en cliquant sur ce lien.
La maison de la rue du Jardinet ayant fait l’objet d’une expropriation, il n’existe plus de bail et les deux brocheurs installeront leurs ateliers rue des Poitevins. Les vendeurs, comme de coutume, s’engagent à ne fonder, ni faire valoir directement ou indirectement, un fonds de brochure à Paris dans un délai de six années.
Ils signent, le même jour, un bail pour leurs locaux de la rue des Poitevins.
Un engagement financier non négligeable
Se lancer dans une telle aventure n’est pas une mince affaire. Le jour de la signature Armand et Eugène versent l'intégralité du montant convenu pour le fonds de commerce à leurs vendeurs. Ils versent ainsi chacun 1.500 frs en numéraires et valeurs acceptées comme tels. Pour la constitution de la société, chacun des deux associés réalise un premier apport au capital social de 1.500 frs. Celui-ci devra, à terme, atteindre 10.000 frs.
Certainement Armand, mais aussi son épouse Élisa, qui ont commencé à travailler très jeunes, mettent en commun leurs économies. Le secteur des métiers du livre, qui plus est à Paris, rémunère plus ses ouvriers que dans les autres branches de l’industrie. Sûrement, bénéficient-ils aussi, fussent-elles minimes, de leurs dots de mariage respectives pour investir dans la société. Ils comptent sur le développement de celle-ci pour faire vivre dignement leur famille et, ne l'oublions pas, compléter l’apport au capital social chaque année sur les bénéfices de l’entreprise.
C’est donc 12 rue des Poitevins que les deux hommes installent leur premier atelier. Eugène Monniot et son épouse Catherine Gosselin, comme Armand et Élisa bénéficieront d’un logement dans les locaux de l’entreprise.
En trois ans, la vie d’Armand a connu une grande accélération, avec un mariage, la naissance d’un fils et la création d’une société de brochure. Une seule ombre vient ternir le tableau en cette fin d’année 1876, c’est le décès de Joséphine Tourbier épouse Piel, « celle qui a servi de mère » à Armand, comme elle le disait. C’est lui qui déclare son décès et l’accompagne en sa dernière demeure, au Cimetière d’Ivry-sur-Seine.
Armand Klein et Eugène Monniot réussiront-ils dans leurs affaires ?
Le Récit-de-vie
Il s'agit, dans un article unique, ou bien dans une suite d'articles, de raconter en la contextualisant, la vie d'un ancêtre, d'un collatéral, d'une famille, voire même d'un village ou d'une paroisse.
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Excellent article. Créer une société en 1856 n'était pas si fréquent, l'usage étant de s'associer sans signer au préalable de pacte social, ce qui était une source de futurs conflits entre les personnes en cas de mésentente, alors que la signature de statuts présentait l'avantage de fixer des règles entre associés. C'est toujours le cas de nos jours. J-C Leloup
Vous le saurez en lisant le prochain épisode de....