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Récit-de-vie : Augustine CAMBOUR (1875-1904)

En cette fin avril 1875, un épisode estival fait suite au froid sec et aux gelées qui se sont abattues sur le mois de mars des campagnes rouennaises. Jean Cambour, journalier dans la quarantaine, redouble d’activité pour rattraper le retard pris le mois passé à cause de la météo. Bien qu’en fin de grossesse son épouse, Noémie Simon 41 ans, l’accompagne dans les travaux des champs.

Travaux agricoles fin 19ème
Carte postale ancienne (simple illustration sans lien familial))

La naissance d’Augustine Léonie CAMBOUR (1875-1904)

Ce vendredi, en début de soirée, un autre travail commence, dans la demeure familiale à Roncherolles-sur-le-Vivier, en Seine-Inférieure. Jean ne voit pas l’urgence étant certainement resté sur le souvenir des premiers accouchements de son épouse. Dans sa mémoire ceux-ci ont duré des heures. Calé dans le fauteuil paillé hérité de son père, il se perd dans ses pensées. La fatigue l’emporte, sa tête s’incline plusieurs fois avant de s’affaisser pour de bon. Dans un dernier sursaut, sentant le sommeil le gagner, Jean s’en va quérir une voisine âgée, amie de confiance de Noémie. Celle-ci l’a déjà assistée dans les précédentes mises au monde et on fait souvent appel à elle, dans le bourg. S’il y a depuis près d’un demi-siècle de plus en plus de sages-femmes, on y a peu recours encore à la campagne.

Ayant transmis le flambeau, le chef de famille s’affale sur un bout de paillasse et s’endort sur le champ; la journée a été dure. Il laisse le lit conjugal à son épouse pour l'enfantement. Ce sont les cris d’un beau bébé qui, vers minuit trente, le sortent brutalement de son sommeil. Il se frotte maladroitement les yeux, étire grand ses bras et, encore dans son premier sommeil, se dirige vers la couche de sa femme. Sa première préoccupation est de vérifier que l’alternance métronomique « garçon / fille » des sept premiers nés est bien respectée. Le nouveau-né est bien une fille, Augustine : un gars, une fille, un gars, une fille et ainsi de suite, on est bien organisé chez les Cambour. Une attention pour son épouse, une tape sur les fesses de sa progéniture déjà au sein et Jean s’en retourne finir sa nuit. Demain matin, comme tous les jours, il faudra être d'attaque !

À leur réveil les quatre aînés encore en vie Jean, Léonie, Louis et Honoré découvrent la nouvelle petite soeur. Trois des sept premiers nés sont en effet décédés en bas-âge. C'est encore dans l'ordre des choses à l’époque.

Les travaux agricoles ne connaissent que peu de jours de pause et Jean accompagné, de trois plus grands, est parti de bonne heure s'occuper des bêtes de son fermier. Honoré, 3 ans, s'est calé au lit auprès de sa mère, ne souhaitant pas abandonner toute la place au bébé. La voisine est revenue et, sous les consignes de Noémie, organise la maison pour faire un peu de place pour Augustine. Il faudra encore plus se serrer, mais on a l’habitude et on sait se contenter de peu chez les Cambour. Pas le temps pour Noémie de se remettre de la fatigue de la naissance, dès le demain, au plus tard, il faudra assurer les tâches quotidiennes pour la maisonnée.

C’est le lundi matin, à huit heures pétantes que Jean ira présenter l’enfant qui sera « reconnue être de sexe féminin », selon la terminologie d’usage, par l’officier d'état civil. Pierre Bachelier, un rentier du village âgé de 75 ans et Théodule Plé, le jeune instituteur, sont, comme ils en ont l'habitude, requis pour l’occasion.

L’enfance et la jeunesse d’Augustine CAMBOUR.

Les trois grands frères et soeurs quittent rapidement chacun leur tour la maison. Jean rejoint la marine comme matelot de 3ème classe à Toulon. Las, quelques mois plus tard, ses parents sont informés de son décès à Villefranche-sur-mer. Léonie travaille comme ouvrière de fabrique, fait la rencontre de son futur, un cordonnier, avec qui elle se marie et s’installe. Louis, enfin, embauche comme charretier. 

Augustine prend soin de sa petite soeur Rose, la 9ème et dernière de la fratrie née quatre ans après elle. Mais rapidement vient pour elle aussi l'heure du travail. Et quand les parents sont journaliers et de condition modeste, les perspectives sont limitées, surtout pour les filles. La domesticité est souvent la seule perspective.

Quand sa mère meurt en sa demeure, en 1890, Augustine a 15 ans et travaille déjà comme domestique de ferme. En plus d'apporter son écot pour faire chauffer la marmite, elle est désormais investie de l'ensemble des tâches domestiques du foyer. Ça ne durera qu’un temps puisqu’un an plus tard elle prend son autonomie. Son père décède quatre ans plus tard à Rouen.

Augustine vit désormais sa vie et fait ses armes comme domestique chez différents patrons. Nous perdons sa trace pendant ces années d’apprentissage de la rudesse de la vie.

Le mariage, la maternité et le décès d’Augustine

Nous retrouvons Augustine seulement dix ans plus tard, en 1902 à Amfreville-les-Champs, dans l'Eure, au bénéfice de son mariage. Si sur l’acte il est indiqué qu’elle habite cette commune, cela doit être bien récent puisqu’elle ne figure pas au recensement de l’année précédente.

Lorsqu’elle rencontre puis se marie avec Jules DAILLY, 28 ans, celui-ci est journalier dans les fermes du plateau d’Amfreville-les-Champs. Augustine, 27 ans, est quant à elle domestique. Le mariage est célébré le samedi 17 mai 1902 en présence de quelques membres de la famille du marié. Rose, la jeune soeur d'Augustine, attend déjà un bébé et ne fait pas le déplacement. Sont-elles d'ailleurs encore en contact ?

Le 20 février 1903 Augustine accouche d'un beau garçon, Victor, qui promet d’être costaud. Il ne faut pas longtemps pour qu’Augustine soit de nouveau enceinte. On ne choisit pas la maternité on l’accepte; c'est la « vocation naturelle » des femmes. Dix mois et demi plus tard, le 31 décembre 1903, pour la nouvelle année, Victor accueille son frère Louis, un aussi beau gaillard que lui.

Même s’ils vivent modestement, la vie semble se présenter sous de bons hospices pour le couple quand, quatre mois plus tard, Augustine est hospitalisée à l’hôpital de Pont-de-L’Arche. Elle y décède le 18 mai 1904. Qu’a-t-il bien pu lui arriver, nous n’en saurons certainement jamais rien.

Elle venait tout juste d’avoir 29 ans.

Augustine laisse son époux Jules Dailly avec deux bébés, Victor et Louis, respectivement âgés de 16 et 4 mois 1/2. Comment Jules va s’en sortir avec eux ?



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