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Récit de vie : Emma Martin (3) - Les fiancailles.

Les familles des deux amoureux sont en lien entre elles et Émile, le père d’Emma, qui a abattu des chênes sur un terrain lui appartenant, les a vendus à Armand, le père d’Édouard, entrepreneur charpentier. Lire ou relire l'épisode précédent en cliquant ici ou bien relire la série depuis le premier épisode en cliquant ici.

Malheureusement, le fiancé d'Emma, qui doit être promu sapeur, ne viendra finalement pas à Pâques, au grand dam de tous. Elle se console : « Cher Édouard, nous saurons ce que coûte le bonheur, nous l’aurons payé bien cher, mais nous y arriverons bien et serons heureux. » Le 25 avril 1899, sa promotion est effective. Sa visite ne sera que partie remise. Dans le même temps, Édouard a changé de cantonnement et se trouve maintenant à Verdun.  

Cécile, une amie d’Emma, se marie bientôt, et c’est au café Martin, aux Buissons, qu’ils viendront danser. Une occasion pour Emma, invitée, de se distraire. Elle trouve aussi, dans la famille, matière à se changer les idées : « Avec ta mère, nous avons été chez mon oncle et ma tante au Vieil-Estrée. Eugène avait le cheval de mon oncle et nous sommes remontés au Mesnil souper, toujours en voiture. Après avoir soupé, nous avons encore remonté en voiture et Eugène est venu nous reconduire jusqu’aux Fenots. Nous avons été chez toi à 10 heures, ton père et ta grand-mère nous attendaient. Tu vois que nous nous sommes bien promenées. »

Emma, en ce mois de mai 1901, écrit aux Klein, ses parrain et marraine à Paris, pour décliner une invitation qu’il lui ont adressée. « L’ouvrage presse en ce moment à l’atelier et je veille tous les soirs ». Et, poursuit-elle, « Mon futur nous a écrit qu’il viendrait et qu’il avait enfin plusieurs jours de permission pour venir à Dreux ». Les liens restent forts entre la filleule et les Klein qu’elle invite à « venir voir tout le monde ». Les Klein ont aussi, maintenant, établi un lien d’amitié avec les futurs beaux parents d’Emma, les Dageon.


Les mots d’amour et d’amitié se répètent, à l’envie, comme pour se rassurer, quelquefois avec poésie : « Je pense qu’il y a, bien loin de moi, un petit bleu qui m’aime bien, mais trop loin de moi ». Emma, bien sûr, n’oublie pas de souhaiter bon anniversaire à son amoureux.



Les deux familles se rencontrent : « C’était la fête aux Buissons, tes parents sont venus dîner avec nous, j'aurais bien voulu que tu sois là, car moi, je sens bien que tu n’es pas là [-] Il y avait peu de monde à la fête, j'ai dansé avec Georges, le Parisien, j'aurais bien mieux aimé que ce soit toi mille et mille fois, car si tu savais comme je suis indifférente aux autres… »

« C’est aujourd’hui mercredi, je m’en vais de chez toi parce que la lessive à ta mère est sèche, le temps a été favorable. [-]Je vais te faire rire un peu, ta mère avait mis tous les bonnets de nuit à la lessive, il n’y en avait plus pour moi, alors j’ai dormi avec ton bonnet de coton. Pense comme j’étais bien, comme j’étais gentille, mais cela ne fait rien, personne ne m’a vue… »

Les courriers égrainent aussi les morts, comme celle du père Morisse, conscient jusqu’à la fin et, moins grave, les petits maux et remèdes de chacun. Emma a profité de la venue du médecin pour son frère André, tombé d’une chaise sur laquelle il était monté et qui pensait avoir le bras cassé, pour le consulter. « J’ai dit au médecin que j’avais toujours mal à l’estomac, et il m’a dit que c’était une douleur, que je boive du vin de gentiane avec de la teinture d’iode et que ça irait mieux »

Si Emma avec ses parents et beaux-parents va à la St-Gilles, puis à la Saint-Denis, les fêtes locales, elle regrette, toujours et encore, que l’absent ne soit à ses côtés. « J’espère que tu viennes au 1er jour de l'an car il y a déjà bien assez longtemps sans t'avoir vu, sans avoir lu dans tes yeux comme dans un livre, car je n’y lis que des bonnes choses »

Les courriers s’espacent, ou bien ont-ils été perdus. Nous sommes arrivés en avril 1900 et Édouard doit quitter « ce maudit pays de Verdun, comme l’écrit Emma, qui m’arrache mon cher Édouard ». Il s’en retourne donc à Bar-le-Duc, son casernement d’origine. « Je serai heureuse le jour où le train ne t’emmènera plus loin de moi, ou alors tu m’emmèneras avec toi. » Lors de sa dernière visite, la séparation a été une nouvelle fois un supplice pour Emma : « Je t’assure que c'est un supplice pour moi que de te voir partir. Dans ce moment, comme je désirerais être toute seule pour pouvoir pleurer à mon aise. »



Si les courriers en notre possession se font plus rares, nous avons heureusement ceux qui annoncent la fin de cette longue période tant attendue par le couple. Et cette fois-ci, c’est Édouard qui écrit, annonçant la fin du calvaire. Le 4 juillet 1901, de Bar-le-Duc, Édouard écrit à Emma et lui dit qu'il l'aime toujours. Il lui envoie des « mignons ». Je me rappelle, à la lecture de ce courrier, ce que vous voulait dire ma grand-mère quand, enfant, elle me disait « Fais-moi mignon » ; avec l’habitude, j’avais compris qu’elle voulait une bise, mais cette expression était complètement sortie de ma mémoire.

Mais revenons à Édouard. Dans ce courrier de juillet, il se plaint de ne pas avoir de permission pour la fête nationale, mais, dans le même temps, il se réjouit à l'idée que dans une paire de mois, il aura la chance de retrouver son amour et, comme il le dit, « je ne l'aurai pas volé ». C'est maintenant en jours qu'il compte, en glissant dans son courrier des petits billets pour décompter le nombre de jours qui les séparent des retrouvailles.


Billets de décompte pour la quille
Décompte pour la quille

Arrive enfin le 14 septembre 1901. Édouard y décrit par le menu les derniers jours de manœuvre qu'on leur fait subir avant d'être libérés. « Jusqu'à présent, partout où l'on passe, on est bien reçu, mais là, on couche dans la paille. Vivement que l'on couche dans un bon lit et… ». Il conclut en ces termes : « huit jours et la fuite ! »

Emma, pour lui donner du courage, lui adresse le 16 septembre sa dernière lettre : « Je m'empresse de t'écrire pour te donner un peu de courage, puisque cela va bientôt être fini. Je suis bien heureuse et je ne pense, en ce moment, qu'à ton retour. Ta dernière lettre m'a fait mal pour toi quand j'ai vu que vous dormiez dans la paille. Bientôt, tu auras un bon lit… et ta petite Emma. »

Le 24 septembre 1901, Édouard Dageon est promu soldat de première classe et, de retour à Dreux, enfin mis en congé.


À suivre dans un prochain épisode.

 
Le Récit-de-vie

Il s'agit, dans un article unique, ou bien dans une suite d'articles, de raconter en la contextualisant, la vie d'un ancêtre, d'un collatéral, d'une famille, voire même d'un village ou d'une paroisse.


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