Emma, cinq ans après son mariage, se retrouve veuve, avec Louis, son fils d’à peine quatre ans. Lire ou relire l'épisode précédent en cliquant ici ou bien relire la série depuis le premier épisode en cliquant ici.
La première année de veuvage d’Emma est déjà passée. Ses vœux 1907 aux Klein, son parrain et sa marraine, nous renseignent sur sa vie quotidienne de jeune veuve. Elle y parle des liens tissés avec ses beaux-parents qui restent forts et durables : « Nous sommes toujours avec mes beaux-parents. » Ceux-ci lui ont en effet conservé le bénéfice de l’appartement, contigu au leur, qu’elle occupait avec son époux. Si elle a pu faire scolariser Louis, ses beaux parents s’occupent de lui en dehors de l’école : « Ils me gardent Louis pendant que je vais travailler. »
La proximité d’Emma avec son lieu de travail, l’investissement des deux grands-mères, les solidarités familiales avec frères, sœurs, oncles et tantes rendent sa vie un peu plus facile : « Louis, [-] a eu dernièrement la fièvre scarlatine, mais ce n'était pas bien dangereux, il a suffit de le laisser au chaud pendant quelque temps, [-] maintenant il se porte bien. Il va retourner en classe d'ici quelque temps, il est très gentil. »
Emma travaille toujours chez Achard, imprimeur drouais. Son métier et le contact avec ses collègues sont, avec son fils, sa principale raison de vivre, après le décès de son époux : « Le travail marche bien ; de ce côté, je suis bien contente. Du travail et de la santé, c'est tout ce que je désire. »
Les parents d’Emma semblent bien se porter. Émile, son père maçon, a réparé sa maison et a aménagé le bar-épicerie de son épouse, au hameau voisin des Bas-Buissons : « Maintenant, il y a la boutique sur la rue, avec une cuisine à côté, et le café se trouve dans le fond. La maison à côté a été réaménagée. »
Elle lance aux Klein une invitation à venir lui rendre visite ainsi qu’à ses parents : « Cette année, je veux que vous [y]veniez. Ils seront bien contents de vous recevoir, et moi, surtout, de vous revoir, il y a trop longtemps qu'on ne s'est pas vus. » Elle leur annonce une prochaine venue à Paris : « Enfin, si rien ne m'en empêche, je pense aller vous voir dans les premiers beaux jours. Je pense que cela vous fera plaisir, car si je ne vous vois pas, je pense toujours à vous, je vous aime bien. Votre filleule, Emma Dageon. »
Les années passent, Louis grandit et les frères et sœurs Martin restent fortement liés entre eux et se soutiennent. Emma va souvent à la ferme de son beau-frère et de sa sœur Léa au Mesnil-sur-l’Estrée. Elle emmène aussi Louis jouer avec ses cinq cousins.
En 1909, Émile Martin, frère cadet d’Emma, se marie à son tour. C’est encore une fois au café familial aux Bas-Buissons qu’a lieu la fête de mariage. Une occasion de retrouvailles pour la famille qui prend la pause devant le photographe, nous permettant ainsi de mettre des visages sur les parents d’Emma et sa famille.
Ainsi va la vie pour Emma qui ne semble pas pressée de se remarier. Elle quitte l’imprimerie Achard pour embaucher chez Tillier, toujours à Dreux. Outre son travail et l’éducation de son fils, il est naturel, pour elle, de s’occuper de ses parents et beaux-parents vieillissants. Dans son éducation, les filles doivent se dévouer à leur mère et elle restera marquée par cet état d’esprit toute sa vie durant. Armand Dageon et Marie Pasdeloup, ses beaux-parents, sont de constitution robuste. Émile, le père d’Emma, a abandonné son activité de maçon qui devenait trop dure pour lui. En complément du bar épicerie de son épouse, il s’est désormais installé comme marchand de vins, maintenant ainsi des revenus complémentaires au couple.
Mais les signes de fatigue s’accumulent et, à l'entrée de l'automne 1912, il décède brutalement en sa demeure. La perte est grande pour Emma et ses frères et sœurs, très proches de leur père : « Pauvre père qui nous a quittés un peu trop tôt. Combien nous y pensons, mais personne ne peut faire quelque chose à la mort qui vous enlève ceux que nous aimons. » Tous se mobilisent pour soutenir leur mère, Élisa, qui se retrouve seule dans son café.
Dans ses vœux de fin d’année, elle raconte aux Klein : « Nous avons fait l'inventaire il y a trois semaines, et nous avons résolu qu'elle resterait dans sa maison pour continuer son petit commerce, c'est ce qui lui convient le mieux. Mais comme l'on ne voudrait pas qu'elle reste seule, Émile [frère cadet d’Emma] demeure avec elle. Cela est bien plus facile puisqu'il y a du logement pour qu'ils soient chacun chez soi. Sans cela, elle n'aurait pas pu continuer. Cela vaut mieux, car maman est habituée à son commerce, et qu'est-ce qu'elle aurait fait maintenant ? Il est vrai que nous sommes tous des enfants affectueux qui ne laisseraient pas leur mère travailler. »
Les jours passent et la mère d’Emma, soutenue par son fils Émile et par ses autres enfants qui viennent régulièrement la seconder au café, poursuit tranquillement son activité. Ensemble, ils ont manifestement fait le bon choix.
Dans ces mêmes vœux, Emma se préoccupe également de la santé de sa marraine, l’épouse d’Armand Klein, son parrain : « Je pense, chère marraine, que vous ne devez pas être bien de ce temps-là, car il fait beaucoup de brouillard et d’humidité à Dreux, et ça doit être pareil à Paris. » Malgré la disparition d’Émile Martin, l’ami de jeunesse d’Armand Klein, les liens entre les deux familles perdurent : « Je pense qu'il fera beau cet été pour que vous veniez nous voir. Tous les ans se passent sans que vous veniez, je veux que cette année ne soit pas pareil et cela fera bien plaisir à maman. Je ne vois plus rien à vous dire que vous m'envoyiez de vos nouvelles. Je me demande si les fleurs sont reprises, celles que mon parrain a emportées. »
Louis, le fils d’Emma qui a maintenant 9 ans et demi, connait lui aussi les Klein qui l’ont reçu avec sa mère à Paris. Il leur présente également ses vœux : « Je suis bien sage et je vous souhaite une bonne et heureuse année. Louis Dageon. »
Le Récit-de-vie
Il s'agit, dans un article unique, ou bien dans une suite d'articles, de raconter en la contextualisant, la vie d'un ancêtre, d'un collatéral, d'une famille, voire même d'un village ou d'une paroisse.
Devenez membre du site, pour suivre les "Récit-de-vie".
Vous pourrez ainsi commentez et échanger avec les autres membres du site... et encourager l'auteur de ce site
En quelques clics, en haut de toutes les pages du site, suivre les instructions :
Le lecteur ne peut que compatir et partager la peine d'Emma.... (en fait je suis membre, mais je n'ai pas le courage de rechercher mon mot de passe....)