Emma, dans sa 33e année, veuve depuis 6 ans, a maintenant pris ses marques avec son fils Louis qui grandit et lui donne bien des satisfactions. Lire ou relire l'épisode précédent en cliquant sur ce lien ou bien relire la série depuis le premier épisode en cliquant ici.
Les beaux jours arrivent, en ce printemps 1913, quand les Martin reçoivent un pli annonçant le décès d’Élisa Rigard, épouse d’Armand Klein, respectivement marraine et parrain d’Emma. Si la nouvelle n’est pas une complète surprise, elle touche les Martin et les Dageon tant les liens entre les trois familles sont forts. Le décès est intervenu le vendredi 23 mai et l’inhumation aura lieu au cimetière du Père Lachaise, après les cérémonies religieuses en l'église Saint-Séverin, le lundi suivant. Emma prend une journée de congé pour se rendre à Paris aux obsèques auxquelles elle assiste accompagnée de sa mère Élisa Martin, de sa sœur Léa Bruyère et de sa tante Armance Courtois.
Une fois la cérémonie terminée, les condoléances présentées, les Martin doivent se dépêcher pour reprendre le train pour Dreux. Comme nous le racontions dans un article du Récit de vie d’Armand Klein - que vous pouvez lire ou relire en cliquant ici - celui-ci a décidé, quand il aura rempli les formalités qui s’imposent après le décès, de partir faire un tour de France de ses amis qui, tous, lui témoignent amitié et affection. C’est un légitime retour des choses pour celui qui, avec son épouse, a toujours été un soutien pour ses amis, leurs enfants et leurs familles. Il ne reviendra à Paris que deux mois plus tard, début août.
Mais revenons-en à Emma. Trois jours après l’inhumation de sa marraine, Emma adresse un courrier à son parrain, désormais veuf. Elle y raconte le retour de la famille Martin à Dreux après les funérailles et le train raté qui leur a valu une heure d’attente en gare : « J’aurais trouvé cela plutôt agréable si vous aviez été avec moi, cela m’aurait fait une heure de plus à passer avec vous, car vous n’ignorez pas l’affection que j’ai pour vous. »
Elle continue : « Mon cœur se serre en pensant que vous allez être seul maintenant. Pauvre marraine, combien nous la regrettons tout en pensant que le Bon Dieu a mis un terme à ses souffrances. Croyez, cher parrain, que je partage votre peine, moi qui vous aime tant et qui ferait tout pour vous faire plaisir, qui vous soignerait même si vous étiez malade. »
Les propos d’Emma témoignent, s’il en était besoin, de l’admiration qu’elle voue à son parrain désormais veuf et de sa tristesse sincère au décès de sa marraine, qu’elle regrettera. Ils sont à la hauteur des liens qui unissent depuis 40 ans leurs familles.
Dans les dernières années, eu égard à l’état de santé de la défunte, les Klein venaient moins souvent en visite à Dreux, mais les trois familles sont toujours restées en relation épistolaire. Emma, avec son époux quand celui-ci était encore en vie, puis avec son fils, quand elle fut veuve, rendait visite aux Klein au moins une fois l’an à Paris, entretenant ainsi la relation.
À l’occasion du « tour de France » de ses amis qu’entame le veuf, Emma lui lance l’invitation : « J’espère que, quand vous le pourrez, vous viendrez passer le temps qu’il vous plaira avec nous, aux Buissons [où réside la mère d’Emma] comme à Dreux [où elle réside près de ses beaux parents], vous y serez bien reçu. Surtout, donnez-moi souvent de vos nouvelles, cela me fera un grand plaisir. Je termine en vous embrassant de tout mon cœur ainsi que mon petit Louis. Votre filleule qui vous aime, Emma Dageon. Puisse mon affection adoucir votre peine. »
Ce courrier d’Emma peut donner lieu à différentes interprétations selon qu’on le lit avec nos yeux contemporains ou en le replaçant dans son contexte.
À 33 ans, Emma est déjà veuve depuis 6 ans. Ses relations avec sa mère, mais aussi avec ses beaux-parents, qui la soutiennent dans l’éducation de son fils, sont excellentes. Typographe, elle dispose d’une situation correcte dans un métier qui lui plaît et où l’emploi ne manque pas.
Elle a été éduquée dans l’idée que les filles doivent s’occuper de leurs parents, quoi qu’il en coûte, jusqu’à leur mort. Cette obligation, naturelle pour elle, peut expliquer la disponibilité qu’elle affiche à l’égard de son parrain, jusqu’à le soigner, dit-elle, même si celui-ci devenait malade. Armand Klein, s’il dispose de vrais amis, n’a pas de famille proche, ayant été abandonné à la naissance par sa mère et n’ayant pas de descendance suite à la perte prématurée de son fils.
À 66 ans, il a réussi sa carrière de brocheur à Paris et dispose d’une bonne situation qui le met hors du besoin pour ses vieux jours. Même s’il a arrêté de travailler, ses engagements divers l’occupent encore beaucoup. Il aime la vie parisienne, ses banquets et ses sorties avec son réseau de relations.
Au-delà de l’affection que la filleule porte depuis son enfance à son parrain, l’ami de jeunesse de son père, celui-ci dispose, aux yeux d’Emma, d’une aura certaine. C’est sûrement avec ce double regard fait de devoir et d’admiration qu’Emma envisage un avenir, quel qu’il soit, auprès de son parrain.
N’oublions pas qu’à cette époque les remariages de veufs, femmes ou hommes, sont fréquents et même souvent rapides après le décès du conjoint. Il n’est pas rare de prendre pour époux un beau-frère, une belle-sœur, un cousin ou une cousine dans la même situation que soi. Ces unions se concluent souvent indépendamment des différences d’âge entre époux et sans que des liens amoureux aient eu le temps de se construire.https://www.histoiresfamiliales.com/post/récit-de-vie-emma-et-armand-1-jalousie-convoitise-réprobation
Emma ne reverra pas Armand avant la fin de ses deux mois de voyage, début août. Ont-ils quand même eu des échanges épistolaires dans cette période ? Nous ne le savons pas, n’ayant pas trouvé trace de tels échanges.
Le Récit-de-vie
Il s'agit, dans un article unique, ou bien dans une suite d'articles, de raconter en la contextualisant, la vie d'un ancêtre, d'un collatéral, d'une famille, voire même d'un village ou d'une paroisse.
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Récit fluide qui se lit d'un trait, très intéressant.