Henri LETURC, ouvrier du textile originaire d’Eure-et-Loir, est venu s’installer en région rouennaise où l’embauche dans le textile ne manque pas. Durant ses obligations militaires, il a rencontré Mary Eléonore JEANFRANÇOIS avec qui il a eu une petite fille puis s’est marié.
En 1906, ils résident tous les trois rue du Champ du Pardon, à Oissel, où ils ont certainement emménagé après le mariage. Mary, enceinte pour la deuxième fois, ne travaille pas. Aidée de sa sœur Ernestine, qui réside avec le couple, elle s’occupe de la petite Marie, à peine âgée de 2 ans. Ils déménagent peu après le recensement puisque Alexandre, leur deuxième enfant, naît le 13 août 1906 à la Cité des Gaures où ils sont revenus. Ils changeront ainsi plusieurs fois d’adresse.
Si l’industrie textile est encore en croissance, le chemin de fer en plein développement est une voie que choisissent de plus en plus les hommes, laissant le textile, mal payé et moins viril, aux femmes… Henri rentre donc comme employé à la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest, bientôt rachetée par l’Administration des chemins de fer de l’État.
Andréa, la troisième enfant du couple, naît le 3 novembre 1908, au 133 rue Lazare Carnot à Saint-Étienne-du-Rouvray. Au recensement de 1911, c'est au n° 66 de la même rue que vit la famille. Le foyer est composé du couple et de leurs enfants Alexandre et Andréa, mais Marie, leur aînée, n’est pas mentionnée. Peut-être est-elle décédée entre temps, même si nous ne trouvons pas trace de ce décès. Cette fois-ci, c’est une autre sœur de Mary Eléonore, Joséphine, qui réside avec eux et soutient son aînée dans l’éducation des enfants.
Après son service militaire, Henri Albert a été classé « sans affectation de guerre comme employé de la Société des Chemins de Fer de l’Ouest ». Quand le conflit démarre, en 1914, il est considéré comme « appelé sous les drapeaux, mais maintenu à son emploi du temps de paix au titre des Sections de Chemins de fer de campagne ». Cette période comptera d’ailleurs comme « Campagne contre l’Allemagne » du 2 août 1914 au 8 mars 1919.
Un quatrième et dernier enfant, René, vient au monde au domicile familial, le 2 octobre 1915. Celui-ci, que j’ai bien connu, est le grand-père maternel de mon épouse. Cette dernière a également bien connu ses grands-oncles et tantes, Alexandre et Andréa. Mais pas Marie, l’aînée, dont elle n’a jamais entendu parler…
Pour cause de guerre, il nous faut attendre le recensement de 1921 (celui de 1916 n’ayant pas été réalisé) pour suivre la famille. À cette date, ils résident toujours dans la même maison et le foyer est composé des parents Henri et Mary et de leurs quatre enfants, tous nommément cités cette fois-ci. Mais si les quatre enfants sont répertoriés, nous découvrirons plus tard qu’en fait Marie, l’aînée, n’y résidait pas. En tout cas, elle n’est pas décédée comme nous avions pu le supposer…
Henri marie d'abord son fils Alexandre avec Gilberte Gueroult en juillet 1926 à Sotteville. Au mariage de sa fille Andréa avec André Decaux, à Saint-Étienne-du-Rouvray en décembre 1930, si le père de la mariée est présent et consentant, la mère, elle, n'est pas présente. Alexandre et Andréa quittent le foyer familial où seuls restent le père et René, le benjamin.
En 1931, Henri, toujours employé aux chemins de fer de l’État, vit seul avec son fils René, employé dans la même administration. L’épouse d’Henri et leur fille aînée ne sont mentionnées, ni l’une ni l’autre, lors du recensement. C’est le cas également en 1936, année de la retraite d’Henry, âgé de 54 ans.
Sept ans plus tard, Henri marie son dernier fils, René, avec Suzanne Schabad, en février 1938 et remarie sa fille Andréa, veuve de son premier mariage, avec Antoine Perier en mai de la même année. Sur l’acte de mariage de René, Henri réside toujours au 102 rue Lazare Carnot quand son épouse est mentionnée Chemin de la Haye Hébrout, à Saint-Étienne-du-Rouvray. Nous découvrirons, dans le prochain article, à quoi correspond cette adresse. Au moins, nous savons qu’elle aussi est vivante et où elle réside.
Avec le départ de son dernier enfant marié, Henri réside désormais seul au 102 rue Lazare Carnot. L’hiver 1943-1944 est rude et les restrictions sont sévères dans cette période de conflit. C’est en allant couper du bois qu’Henri décède, le 23 février 1944.
Un secret de famille
Ce récit de vie s’appuie sur des documents et relate exclusivement des faits. Nous avons souhaité vérifier le niveau de connaissance qu'en ont les descendants encore vivants.
Annie Perier, fille d’Andréa et petite-fille d’Henri et Mary, découvre, au bénéfice de nos recherches, l’existence de la sœur aînée de sa mère. Jamais Andréa n’a fait mention de celle-ci, comme si elle n’avait jamais existé. Évelyne, fille d’Alexandre, et Alain, fils de René, confirment eux aussi que leurs parents n’ont jamais parlé de cette enfant. L’autre fille de René, Monique, aujourd’hui décédée, n’avait jamais non plus entendu parler de cette « Marie », notamment lorsqu’elle consultait mes recherches généalogiques sur sa branche paternelle.
Quant à Mary Eléonore, leur grand-mère, lorsque nous en parlons avec Annie Perier ou avec les autres descendants, toutes et tous relatent la mémoire familiale qui fait état d’un séjour de Mary en institution psychiatrique, sans plus de précisions. Elle serait partie, disent-ils, sur les routes de l’exode en 1944…
Allons-nous expliciter ce qui semble s’apparenter à un « secret de famille ».
Le Récit-de-vie
Il s'agit, dans un article unique, ou bien dans une suite d'articles, de raconter en la contextualisant, la vie d'un ancêtre, d'un collatéral, d'une famille, voire même d'un village ou d'une paroisse.
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