Dans la première partie de ce « Récit de vie » - que vous pouvez lire ou relire en cliquant ici - nous avons laissé Madeleine Jumelle-Thirel quand avec son frère ils réalisent le partage de l’héritage familial.
Madeleine, maintenant libérée de la ferme, décide de s’installer à Dreux, préférant compter sur elle-même pour assurer ses vieux jours, dans la fidélité à la mémoire de son époux.
En juin 1937, elle fait l'acquisition de ce qui devient et restera sa demeure au 120 rue Saint Martin. Elle ne reprend pas de travail, vit de ses rentes qu’elle complète utilement des produits de son jardin. Elle se rapproche ainsi de son fils, de sa belle-fille et de ses petits-enfants, même si elle s’accommode bien de cette vie solitaire.
Madeleine, marquée par les épreuves de la vie, n’est pas très démonstrative. Elle n'en n’est pas moins une grand-mère présente et qui compte. Pour son fils André et sa belle-fille Louise, elle sera d’un grand soutien quand eux aussi seront dans la peine et la difficulté.
L’installation et l’entretien de sa maison sont sa première préoccupation. Entrée, salle à manger sur rue, petite cuisine sur cour au rez-de-chaussée, constituent son univers de vie quotidienne qu’elle aménage avec son mobilier de mariage. L’équipement est rudimentaire, avec un poële à feu continu dans sa cuisine, mais elle s’en contentera toute sa vie. À l’étage, un petit cabinet de toilette, sans eau courante avec cuvette et broc, jouxte deux chambres de belle taille. Au second, un grenier sous combles. Dans la cour pavée, en contre-bas sur l’arrière, les toilettes où elle va déverser son pot de chambre. De là, elle accède aussi à la cave dans laquelle, outre son bois et son charbon, elle stocke ses conserves et tient son garde-manger.
Les occupations quotidiennes sont réglées, la maison est toujours bien tenue et largement aérée. La seconde préoccupation, c’est le jardin potager et fruitier, qui occupe toute l’année une partie de la journée. Madeleine s’en occupe seule et celui-ci est toujours tenu au carré ; la terre n’a pas de secrets pour elle ! En saison, outre les légumes qu’elle consomme toute l’année, ce sont surtout ses fraises des bois et ses cerises qui ravissent enfants et petits-enfants. Ses gelées de groseille et de cassis sont sans pareil. Au 1er mai, c’est chez elle que la famille cueille le traditionnel muguet qui foisonne.
Photo 1 : Madeleine, son fils et son petit-fils aîné, photo 2 : Madeleine et sa petite-fille, photo 3 : Madeleine et sa belle-fille, photo 4 : son dernier petit-fils (ma pomme) dans l'allée des fraises de bois du jardin de Madeleine. Année 1955 ou 1956.
À pied, elle se rend au marché et s’approvisionne, pour ce qu’elle ne récolte pas dans son jardin, auprès des « petits paniers » qui viennent présenter leurs produits, à même le sol, dans des paniers d’osier. Souvent, elle y croise sa belle-fille qui se fournit aux mêmes sources. C’est au marché aux vêtements qu’elle achète les patrons à partir desquels elle coud des robes pour sa petite-fille. Attachée aux apparences, elle n’hésite pas non plus offrir à ses petits-enfants de « beaux vêtements » achetés dans les « belles boutiques » de la ville. Elle ne manque pas, non plus, la traditionnelle foire annuelle de la Saint-Denis.
Au début de son installation à Dreux, Séverine Jouy-Thirel, sa belle-mère veuve, vit toujours à Tréon à quelques kilomètres de là. Madeleine, fidèle au sens du dévouement aux anciens transmis à travers les générations, lui rend visite. Dans les années qui suivent, ses cousins issus de germain Félix et Adeline Beauvais, à la retraite, viennent s’installer à Dreux et sont d’une bonne compagnie pour elle.
Outre ses enfants et petits-enfants, c’est dans le lien avec l’ensemble de ses cousins que Madeleine revit.
Avec les Jumelle et en particulier avec la branche des neuf frères et sœurs Beauvais disséminée aux quatre coins de France, d’Europe, et même du monde, le rendez-vous annuel est incontournable pour nombre d’entre eux. C’est pour la famille élargie une occasion de se retrouver et de faire un passage à Aunay-sous-Crécy. Plusieurs fois par an, elle les reçoit chez elle et, bonne cuisinière, elle met les petits plats dans les grands. Comme toute la famille Thirel, Madeleine est joueuse de cartes. Avec les plus avisés, elle "tape la belote", mais ne rechigne pas à jouer à la manille, au rami ou bien encore au nain jaune selon les goûts de chacun. Les parties s’enchaînent autour de la table de sa salle à manger alternant sérieux, rires et commentaires.
À l’occasion, elle rend également visite à ses cousins Coulpotain, de la branche Thirel, marchands de bestiaux à Brezolles et à la cousine Angèle Angoulvant. Si elle est dévouée aux anciens, elle est aussi ouverte aux jeunes générations. Les relations avec son frère sont distendues, mais ça ne l’empêche pas d’accueillir à domicile sa nièce qui vient à Dreux poursuivre ses études dans les années 50. Ensuite, c’est au tour d’une petite cousine Coulpotain de bénéficier de son accueil. Toutes deux, en gardent encore le souvenir et témoignent d’un grand respect pour elle.
Madeleine avance en âge, mais elle continue assurer elle-même, sans aucune aide, jusqu’à la fin de sa vie, sa maison et son jardin. Quelquefois, le dimanche, son fils vient la chercher pour le repas dominical et elle est présente à toutes les fêtes de famille. Elle a ainsi le bonheur de connaître ses 4 arrière-petites-filles aînées.
C’est sans faire de bruit, fidèle à sa manière, sans avoir été jamais vraiment malade, qu’elle s’en va le 20 octobre 1973, dans sa 83ème année, après un bref séjour à l'hôpital de Dreux.
Le Récit-de-vie
Il s'agit, dans un article unique, ou bien dans une suite d'articles, de raconter en la contextualisant, la vie d'un ancêtre, d'un collatéral, d'une famille, voire même d'un village ou d'une paroisse.
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Toujours aussi bien écrit et passionnant. Sur la photo de groupe, j’ai l’impression de reconnaître l’oncle Louis Beauvais, à l’extrême droite, accroupi. Je prépare un document sur les fils et gendres Beauvais, je te le ferai parvenir.
Mon arrière-grand-mère a fait la même chose que votre grand-mère. Dans les années 30, elle s'est retirée à Dreux après avoir vécu à Tréon puis à Aunay-sous-Crécy. Elles devaient se croiser dans les rues de Dreux et bavarder et peut-être même potiner... J-C Leloup.